Projet de loi Logements abordables – Les débats en commission au Sénat aggravent le démantèlement de la loi SRU

Uniopss

Les amendements votés le 5 juin par la Commission des affaires économiques du Sénat aggravent le démantèlement de la loi SRU et vont plus loin, par certains aspects, que le texte initial du gouvernement. C’est pourquoi l’Uniopss appelle les sénateurs, lors de la séance plénière du 18 juin, à revoir très fortement le texte pour éviter qu’il n’aboutisse à l’inverse de son objet, c’est-à-dire à réduire drastiquement, pour le présent et pour l’avenir, les chances des ménages précaires et modestes, à accéder à un logement abordable.

Ce mercredi 5 juin, la Commission des affaires économiques du Sénat examinait les amendements portés par les sénateurs au projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables.

Le texte initial proposé par le gouvernement comportait déjà des atteintes graves à la loi SRU et donc au logement des personnes précaires et des classes moyennes, en intégrant notamment les logements intermédiaires (LLI), dont le montant des loyers est singulièrement plus élevé, dans le décompte des objectifs de logements sociaux que doivent remplir les communes.

Déjà, l’Uniopss s’était prononcée contre ce projet de loi, comme la grande majorité du Conseil national de l’habitat, qui avait désapprouvé le texte, le 24 avril dernier. C’était aussi le sens de la tribune de Daniel Goldberg, président de l’Uniopss, parue dans Le Monde le 22 mai dernier(1).

Comme redouté, les amendements votés aggravent ce démantèlement de la loi SRU : suppression de la nécessité d’avoir pris des engagements préalables en faveur de la construction de logements locatifs sociaux, dans le cadre du contrat de mixité sociale, avant de pouvoir prétendre construire des LLI ; exclusion des LLI du décompte des résidences principales, ce qui aboutira à construire plus de LLI et moins de logements sociaux ; possibilité de réduire à peau de chagrin les sanctions à l’encontre des communes dites carencées au titre de l’article 55 de la loi SRU ; extension du pouvoir de veto pour les maires lors des commissions d’attribution, qui risque d’exclure de fait certains types de demandeurs ; extension illimitée des contrats de mixité sociale, repoussant dans le temps les obligations de construction de logements sociaux ; réduction des pouvoirs du préfet en cas de défaillance de la commune ; montants des amendes transférés du FNAP à l’EPCI qui pourra les utiliser à d’autres fins que la construction de logements sociaux ; suppression de la Commission nationale SRU qui ne pourra donc plus jouer de rôle d’alerte sur certaines situations.

Seule inflexion positive apportée, le pourcentage de logements intermédiaires et de PLS cumulés (logements sociaux aux loyers les plus élevés) ne pourra pas dépasser 30 %, contre 40 % prévu dans le projet de loi initialement. C’est une maigre consolation que de réduire le nombre de logements sociaux aux loyers les plus élevés pour intégrer le logement intermédiaire dans le décompte.

Concernant le surloyer de solidarité (SLS), l’amendement voté sort positivement les locataires vivant en PLAI (logements locatifs sociaux destinés aux ménages aux ressources les plus modestes) de l’obligation de payer un surloyer dès le premier euro de dépassement des plafonds. Néanmoins, pour la masse des locataires (qui ne sont pas en PLAI), le dispositif est durci : un célibataire qui gagne moins de 2 100 euros paiera le surloyer en régions (2 500 euros en Île-de-France). Pour un couple, ce sera dès 3 300 euros en régions (4 700 € en Île-de-France). Ils sont donc considérés comme "riches" par ce projet de loi et par les sénateurs ayant voté cet amendement !

Enfin, à l’article 8, le relèvement des loyers au niveau des loyers plafonds, qui va toucher 1,9 million de logements sur les 5,3 millions de logements sociaux, risque d’entraîner, d’après les rapporteures du texte elles-mêmes, 95 M€ d’augmentation de loyers dès 2025, et jusqu’à 1,2 Md€ d’augmentation de loyers d’ici 15 ans ! Face à l’ampleur des risques causés par ce dispositif, elles ont même estimé nécessaire, dans leur amendement, de demander au Conseil d’État de rédiger un décret encadrant les possibilités d’augmentation des loyers.

Globalement, comme c’était malheureusement prévisible, le projet de loi du gouvernement sort donc durci par l’examen du texte au Sénat, malgré quelques points positifs.

Rendre de fait les locataires HLM responsables de la crise du logement est une logique destructrice de notre modèle social. Et donner raison aux communes qui ont refusé, depuis le vote de la loi SRU en 2000, de remplir leurs obligations de construction de logements socialement accessibles au plus grand nombre, conforte une logique d’entre-soi et de ségrégation sociale et territoriale.

Contact presse : Valérie Mercadal - Tél. 01 53 36 35 06 – vmercadal@uniopss.asso.fr

 

(1) Loi « logement » : Une prime à ceux qui aggravent la “ghettoïsation par le haut” de la société française – Le Monde – 22 mai 2024

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