Alors que de nombreuses réformes dans le domaine social sont à l’agenda du gouvernement (retraites, revenu universel d’activité, justice des mineurs, dépendance, santé…), l’Uniopss s’interroge sur la cohérence et le sens de celles-ci et appelle les pouvoirs publics à mettre davantage le curseur sur la justice sociale et la réduction des inégalités.
Trois mois après l’annonce par le Premier ministre, d’un Acte II du quinquennat plus social et plus écologique, mais aussi plus à l’écoute des acteurs de terrain, quels constats peut-on faire aujourd’hui ? C’est, pour l’Uniopss, l’une des questions centrales de cette rentrée sociale.
Pour Patrick Doutreligne, président de l’Uniopss, après avoir ignoré les corps intermédiaires tout au long l’année dernière, le gouvernement semble avoir pris la mesure, à la suite de la crise des gilets jaunes, de la nécessité de renforcer le dialogue avec la société civile. Si cette démarche est positive, elle pourrait être trompeuse. En effet, le grand débat n’a concerné que très indirectement les populations les plus fragiles, et les réponses apportées, notamment les 10 milliards d’euros annoncés au mois de décembre, n’améliorent pas la situation des plus modestes.
D’autre part, si « on ne peut pas reprocher au gouvernement son immobilisme, on peut s’interroger sur le sens et la cohérence des réformes engagées. » En effet, les concertions menées sur de nombreux sujets comme la réforme des retraites, de l’assurance chômage ou encore de la lutte contre la pauvreté, sont systématiquement menées à budget constant, ce qui implique bien souvent de sacrifier des budgets déjà existants. « Favoriser le logement d’abord des personnes les plus fragiles va dans le bon sens, mais si dans le même temps on baisse drastiquement les moyens des bailleurs sociaux, où est la cohérence ? » Pour le président de l’Uniopss, « la logique budgétaire est essentielle mais elle ne peut-être le premier prisme d’une vision politique ».
Autre contradiction : la multiplication des réformes à longue échéance, sans prendre la mesure de la réalité actuelle. « Plusieurs projets ne produiront leurs effets qu’à moyen, voire à long terme, mais font l’impasse sur les besoins urgents des plus fragiles ». Patrick Doutreligne considère également que la question des inégalités demeure un sujet majeur, complètement oublié par les politiques publiques actuelles. Il en va ainsi du projet de réforme de l’Aide médicale d’État, à l’approche du débat sur l’immigration qui aura lieu au Parlement le 30 septembre prochain. « On ne peut pas aborder ce sujet majeur de santé publique, individuelle et collective, sous l’angle des politiques migratoires ».
Une analyse que complète Laurie Fradin, conseillère technique Santé/ESMS à l’Uniopss qui rappelle un certain nombre d’idées fausses récemment véhiculées sur l’AME. « Non, 100 % des soins ne sont pas gratuits pour les étrangers. Non, l’AME n’est pas l’open bar de l’accès aux soins. Obtenir cette aide relève bien souvent du parcours du combattant. Non, l’AME n’est pas un motif de migration, puisque seuls 6 % des étrangers migrent pour des motifs de santé. Rappelons également que ce dispositif pèse 943 millions d’euros en 2019 sur les 200 milliards d’euros de l’Assurance maladie, soit 0,47 % des dépenses de santé. »
Directeur général de l’Uniopss, Jérôme Voiturier a illustré l’analyse de Patrick Doutreligne sur le terrain de la jeunesse. Celui-ci note un certain nombre de progrès en matière de protection de l’enfance, avec, notamment, la nomination d’un secrétaire d’État dédié, la préparation d’un Pacte pour l’enfance et sans doute une meilleure prise en compte de la parole des jeunes dans les concertations gouvernementales. Pour autant, il s’interroge sur le fait de savoir si l’année 2019, durant laquelle on célèbrera les 30 ans de la Convention des droits de l’enfant, sera celle des droits de tous les enfants. En effet, de nombreuses inquiétudes persistent s’agissant des moyens alloués à la protection des mineurs, l’enfermement encore trop fréquent de nombreux enfants, le tournant répressif de la justice pénale des mineurs ou encore les discriminations dont sont trop souvent victimes les mineurs non accompagnés quant à leur accompagnement.
Conseillère technique « Autonomie et Citoyenneté des personnes en situation de handicap et personnes âgées », Laurène Dervieu développe une analyse similaire. Selon elle, devant les crises successives qu’a connu le secteur de l’autonomie, en particulier le secteur des personnes âgées, de nombreuses concertations ont été engagées notamment pour préparer la loi grand âge et autonomie ou pour réformer la prestation de compensation du handicap, mais ces discussions n’ont pas été suivies de mesures concrètes, alors que les besoins en termes de personnel s’aggravent, sans compter l’aide à domicile dont la situation ne cesse de se dégrader. Et les prévisions budgétaires ne vont pas dans le bon sens. « Le taux d’évolution de l’Ondam médico-social annoncé tourne autour de 2 %, alors que le secteur chiffre les besoins aux alentours de 6 %. Si l’on veut pouvoir réaliser les grandes réformes sociales de notre temps, il va falloir apporter des moyens supplémentaires dès maintenant ».
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